Gilets jaunes et patronat

Gilets jaunes LE Havre

Gilets jaunes et patronat

Dès le départ, les gilets jaunes se sont mobilisés contre l’injustice fiscale et sociale avec une forte présence de retraités sur les ronds-points. L’arrogance du gouvernement des riches et des technocrates ainsi que l’embrasement sur les réseaux sociaux ont permis à la mayonnaise revendicative de prendre. Les réseaux sociaux ont permis une approche militante d’individu à individu, de groupe à groupe, de ronds-points à ronds-points, ce qui a eu pour effet de bipasser les politiques et leurs courroies de transmission, les syndicats. Même si toutes les sections syndicales ne sont pas inféodées à un parti politique.

L’horizontalité du mouvement des gilets jaunes va favoriser l’activisme des groupes d’extrême droite mais aussi dans une moindre mesure d’extrême gauche. Mais réduire ce mouvement à cela, c’est passer à côté de l’essentiel : une révolte populaire avec des modes d’action inédits et la possibilité de se parler et surtout de parler de ses problèmes. Opposer la France périphérique dite rurale à celle des villes où la pauvreté et le chômage touchent un pourcentage de travailleurs important est de nature à noyer le poisson dans l’eau. La pauvreté en milieu rural ou citadin reste la pauvreté. Les fins de mois difficiles en ville ou à la campagne, c’est du pareil au même. Reste Paris et ses beaux quartiers où se concentre une richesse qui s’exhibe sans fard. D’où la volonté d’aller manifester à Paris. Mais nous aurions pu manifester à Deauville, à Saint-Tropez, à Courchevel…là où les riches se pavanent sans se soucier de ceux qui triment au travail ou rament financièrement.

Le ralliement au gilet jaune, celle d’une France en panne, n’est pas anodin. Celui du prix des carburants non plus. Car le prix des carburants mais aussi la TVA sur tous les produits sont les plus inéquitables pour les gens. Que l’on soit riche ou pauvre, nous payons le même prix un litre d’essence ou un pain alors que nous n’avons pas les mêmes revenus.

Sur le plan économique, la doxa en cours est obsolète et fausse. Indiquer que l’ISF et l’imposition du capital font fuir les riches est un non-sens mais privilégie les capitalistes. Freiner les mouvements de capitaux nuirait à l’investissement: foutaise ! L’expérience nous prouve le contraire et les économistes sont divisés sur le sujet…En attendant, le populisme engrange les mécontentements et surfe sur les peurs de nos concitoyens : peur de tomber dans la précarité pour ceux qui n’y sont pas encore, peur de l’étranger, peur de l’insécurité, peur de ne pas trouver de travail quand on est jeune, peur de ne pas trouver de place en Ehpad quand on vieillit en situation de dépendance, peur d’avoir une retraite amputée et de vieillir dans la misère…

Mais la question des bas salaires et du pouvoir d’achat contrebalance les thématiques de l’extrême droite. La question ouvrière, classe laborieuse, classe dangereuse, remet au goût du jour le refus de la paupérisation et la lutte des classes. D’ailleurs dans les mobilisations, on trouve de tout sur le plan professionnel et beaucoup de protestataires sont issus des classes moyennes et populaires. Le problème qui va se poser, c’est la dénonciation par la base populaire des gilets jaunes, du capitalisme et du patronat car la question sociale ne peut être dissociée de la question patronale et de la question étatique. Le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple est impossible sans  l’autogestion (gestion directe) de l’économie et l’élimination du capitalisme! Les locaux du MEDEF n’ont que peu été pris pour cible par les manifestants alors que le patronat est responsable des bas salaires qu’il entend baisser encore et encore. Comme il entend baisser les droits des travailleurs au sein des entreprises. Idem pour l’Etat patron. Tous les patrons s’accordent à dire qu’il ne faut pas augmenter les SMIC, par exemple. Tous les gros patrons soutiennent Macron et se serrent les coudes avec le gouvernement. Ce sont les premiers de cordée avec les politiciens à leurs bottes.

Nous assistons à un dialogue de sourds à tous les étages : quand le gouvernement n’entend pas les syndicats et quand il méprise les gilets jaunes. De là découle une certaine violence qui risque de s’accroître malgré la sévère répression qui touche tous les mouvements sociaux. La justice veut faire des exemples et elle frappe fort. Cela prouve que la peur du pouvoir est bien réelle.

La lettre de Macron, à la mi-janvier 2019, ne convaincra pas et risque d’être renvoyée à son expéditeur, ce qui serait une bonne chose. La politique politicienne est prise pour ce qu’elle est : un jeu de dupes. Ce qui est intéressant aussi dans ce mouvement, c’est que malgré les violences, l’opinion publique ne se retourne pas contre les manifestants. Cette dernière risque cependant de ne plus soutenir ceux-ci si les dérapages antisémites, homophobes…perdurent et que la minorité fasciste prend l’ascendant sur le mouvement, d’où une nécessaire clarification vis-à-vis de certaines prises de position relayées par les médias qui aimeraient tant rendre service au gouvernement en disqualifiant les gilets jaunes. En ne prenant pas ses distances avec les actes et propos racistes, les gilets jaunes se font hara-kiri. Pour autant, pour rester objectifs, les exactions verbales des extrêmes droites ne reflètent pas l’ensemble du mouvement. En attendant ces extrêmes droites décrédibilisent le mouvement des gilets jaunes et elles sont bien aidées par des médias qui focalisent sur les abrutis qui font la quenelle. Dommage qu’on n’ait pas vu d’autres gilets jaunes danser au son de l’accordéon, ce qui aurait donné un air plus Front Populaire. Les libertaires agiront, là où ils sont présents, pour que ces dérives cessent. La marginalisation de l’extrême droite sera salutaire au mouvement sinon, ce sera la fin d’un mouvement qui était prometteur. Espérons qu’il le soit encore et que les appels de Commercy prennent le pas sur la haine distillée à droite et par les faschos. N’oublions pas que le populisme se nourrit sur le terreau de l’injustice sociale et là les macronistes ont une responsabilité bien établie. Le populisme se nourrit aussi de l’impunité financière. Que dire de tous ces montages financiers dévoilés par les « CumEx » révélant le vol de 50 milliards d’euros en 15 ans pour frauder le fisc ou faire de l’optimisation fiscale. Piller ainsi les finances publiques et oublier les responsabilités de la Société Générale, BNP-Paribas, du Crédit Agricole, n’est-ce pas cela qui alimente le mécontentement populaire. Les K-Way noirs ont bien raison de cibler les banques dans leur colère. Il ne suffit pas de s’en prendre à Bercy, au parlement, il faut s’attaquer aux racines du mal : le système capitaliste, basé sur la recherche du plus de profits possible.

Les provocations policières, les provocations racistes, la répression n’ont qu’un but : affaiblir un mouvement populaire loin des sentiers battus qui dure et fait preuve d’imagination et de renouvellement dans ses actions. Chapeau bas car les mobilisations syndicales ne mobilisent plus ou très peu (sauf peut-être pour les retraites, mouvement à venir). Les enseignants, en s’organisant en stylos rouges, ont-ils aussi l’intention de ne plus passer par les syndicats ? Les dernières élections professionnelles dans la Fonction publique font état d’un taux de participation de moins de 50%. Est-ce à dire que les salariés n’attendent plus rien des syndicats ? Cela interroge. D’autant que les grèves des fonctionnaires ne sont pas forcément populaires contrairement au mouvement des gilets jaunes, considérés comme porteurs de l’intérêt général. Le syndicalisme va devoir revoir sa communication lors des prochains conflits sociaux. La CFDT qui a prôné un Grenelle est à côté de la plaque et tente de jouer les jaunes (pas les gilets) pour revenir dans le jeu de la collaboration avec le gouvernement. C’est le premier syndicat en France dorénavant. Incapable de mobiliser dans la rue mais sa représentativité est dans les urnes, un peu comme celle de Macron, sur le plan politique. C’est tout dire. La volonté de récupérer puis mettre sous tutelle le mouvement des gilets jaunes n’aura été que de courte durée car la CFDT ne maîtrise rien, surtout pas les mouvements sociaux. Elle veut juste du grain à moudre pour justifier son existence et ses subventions étatiques.

Quoiqu’il en soit de l’avenir du mouvement des gilets jaunes, nous verrons ce que donnera l’appel de Commercy ; les militants qui interviennent dans les mouvements sociaux ont intérêt de même à ne pas sous-estimer la répression inédite contre les manifestants, car ils risquent d’être les prochaines victimes d’un pouvoir qui n’a plus guère de retenue.

Patoche (Groupe Libertaire Jules Durand- Le Havre)