Francisco Ferrer: la protestation universelle

Assassinat de Ferrer

« LA PROTESTATION UNIVERSELLE »

LORS DE L’EXECUTION DE FERRER :

LES MANIFESTATIONS D’OCTOBRE 1909

Le 13 octobre 1909, Francesco Ferrer i Guàrdia mourait au petit matin dans les fossés de Montjuich en criant au peloton d’exécution son innocence et sa foi en l’Ecole Moderne. Accusé d’être le responsable des évènements de la « Semaine Tragique », de la révolte de Barcelone contre la guerre du Maroc qui dégénéra en émeute anticléricale et en incendies de couvents, il était recherché dès la mi-août ; il fut arrêté le 1er septembre, jugé après une instruction pour le moins expéditive et condamné à mort le 9 octobre. Quatre personnes avaient été fusillées avant lui. Il n’y en eut plus d’autre.

 

Le pacifisme révolutionnaire qui anime certains des défenseurs de Ferrer sera englouti par la tourmente d’août 1914. Pourtant ces réunions et ces manifestations furent considérables ; on peut les étudier pour elles-mêmes, chercher à expliquer leur importance. Parler de l’indignation spontanée des foules ne suffit pas, car pourquoi les foules ont-elles exprimé leur indignation pour le meurtre d’un pédagogue catalan anarchisant quand elles n’avaient pas bougé pour les « martyrs de Chicago » ?

 

Les localités concernées avant le 13 octobre sont Paris, Saint-Denis, Saint-Ouen, Charenton, Livry, Lyon, Villerbanne, Oullins, Villefranche-sur-Saône, Saint-Etienne, Le Havre, Sète, Marseille, Nîmes, Toulon, Nantes, Béziers, Thiers, Brive, Orléans, Limoges, Amiens.

En revanche, nous pouvons constater que l’agitation n’a concerné qu’un nombre limité de localités, et que pourtant elle a commencé à marquer le pas en province dès le mois d’octobre, ce qu’on ne peut expliquer comme à Paris par la lassitude de l’opinion.

 

Il n’y a approfondissement de la campagne que là où se met en place un relai régional comme c’est le cas à Lyon, où l’on retrouve socialistes, anarchistes, libres-penseurs et syndicalistes dans un même comité, multipliant les réunions dans l’agglomération puis au-delà.

Madeleine Rébérioux signale qu’il faut attendre 1911 pour que le parti entreprenne une action de caractère national…

Sur le moment, l’importance du mouvement de protestation ne fut contestée par personnes ; toute la presse, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, reconnut que la manifestation parisienne du dimanche 17 fut ‘une des plus grandes démonstrations de foule qui se fussent vues depuis la Commune ; on ne voyait guère à lui comparer que le défilé du peuple de Paris pour l’inauguration du « Triomphe de la République ».

Le mouvement d’opposition à la guerre menaçante de juillet 1914 ne toucha que trente-six départements de province (plus dans la France du Nord et de l’Est, alors que les régions méridionales étaient sous-représentées), malgré une définition des actes de protestation sensiblement plus large. Il rassembla des effectifs nettement moindres, en province, mais il est vrai que le temps manqua et que l’attitude des autorités plus « énergique »…

 

L’émotion ressentie commence à s’estomper, quoiqu’on puisse encore constater des affluences importantes (plusieurs milliers de personnes à Sedan, à Saint-Etienne ou au Havre) ; cependant, la mort de Ferrer permet encore d’occuper la rue, souvent de façon spectaculaire, d’attaquer l’ennemi de toujours (« la calotte ») ou d’entretenir l’agitation dans une ville secouée par un conflit local (la grève des dockers au Havre).

Avec succès d’ailleurs : la chute du gouvernement Maura, quelques jours plus tard, fut la conséquence directe de « la protestation universelle » ; il n’y eut plus d’exécutions, et la répression diminua d’intensité en Catalogne.

 

Pour les régions méditerranéennes, Port-Vendres, Narbonne, Sète, Montpellier, Arles, Aix, Gardanne, Toulon, Cannes, Vallauris et même Albi. – Pour celles du Nord, Liévin, Lille (le 17), Valenciennes, Saint-Quentin, Amiens… jusqu’à Sedan. – Pour les villes portuaires, outre celles déjà citées, Bordeaux (le 17), Le Havre, La Rochelle, Rochefort, Cherbourg. Restent les villes où les salles de réunion sont trop petites (Bayonne, Valence, Oyonnax, Auboué, Caen, Nantes et peut-être Blois) ; Lyon et Paris enfin.

 

L’Assiette au beurre lui a consacré un numéro (2 janvier 1907).

A suivre….