Nous ne ferons pas les castors de Macron

Misra sapan

Nous ne ferons pas les castors de Macron

Faire barrage ! Mais Macron se fout de la classe ouvrière comme de sa dernière chemise. En 2002, de nombreux militants de gauche avaient voté Chirac au deuxième tour, face à Jean-Marie Le Pen, avec une pince à linge sur le nez, et Chirac, fort d’un score pléthorique (82%) avait fait comme s’il avait été élu par son électorat habituel. En 2017, Macron a été largement élu contre Marine Le Pen suite au débat lamentable de cette dernière dans l’entre-deux tours. Et Macron y est allé de ses saillies contre ceux qui n’avaient pas de travail…Il s’était engagé à faire refluer l’extrême droite, c’est tout le contraire qui s’est produit. Et pour la troisième fois, on nous refait le coup : il faut sauver la démocratie. Mais Macron est responsable de ses propres reniements, de son attitude arrogante, de ses alliés qui ont participé de bonne grâce au naufrage de leurs anciens partis (LR et PS).

Le monde du travail, Macron ne le connaît pas. Les fins de mois difficiles, ce n’est pas son monde. Alors cautionner Monsieur Macron relève du sadomasochisme pour un ouvrier. Sa réélection ne changera rien de fondamental aux rapports de production et au fonctionnement de l’économie. L’égalité économique et sociale ne sera pas au programme ni d’actualité à long terme. En clair, Monsieur Macron nous propose à nouveau un statu quo pour les travailleurs dans le meilleur des cas ou une avalanche de réformes à l’encontre des intérêts ouvriers. Le 25 avril 2022, tout fonctionnera comme avant : les travailleurs à la chaîne retrouveront leur emploi (sauf s’il y a un manque de micro-processeurs, de puces…), la femme de ménage retrouvera ses horaires décalés et l’exploitation patronale, les aides-soignantes retrouveront le manque de moyens à l’hôpital, les enseignants retrouveront leurs conditions de travail dégradées…Bref, le monde du travail n’aura rien gagné. Ceux qui gagnent au maintien du système, ce sont les classes supérieures, les gros patrons, ceux qui vivent de la politique… Voilà pourquoi ils dépensent autant d’énergie à vouloir garder intact leurs prérogatives et leurs intérêts.

Ce qui est inquiétant, c’est le créneau qu’a pris Marine Le Pen, celui de la défense des petites gens. Et ça marche. En Seine-Maritime par exemple, Macron et Le Pen sont au coude à coude (27,95-27,65). Ce qui est intéressant, c’est de voir les scores enregistrés par Marine Le Pen à Bolbec (40,14%). Cette ville a longtemps été dirigée par le PCF. Fécamp, qui a été de même une ville de gauche, a vu Madame Le Pen crédité d’un score de 30,90%. A Gonfreville L’Orcher, ville communiste, Le Pen caracole en tête avec 36,08%. Même tendance à Harfleur, Le Pen obtient 35,18%. Dieppe, elle est en tête avec 27,78%…Les macronistes, on les retrouve à Bois Guillaume, Mont-Saint-Aignan, Montivilliers…Et l’autre vote de classe se retrouve avec Mélenchon : Le Havre, Canteleu, Oissel, Sotteville-lès-Rouen, Saint-Etienne du Rouvray…Nous nous retrouvons donc avec deux votes populaires incarnés par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Avec une certaine porosité dans leurs électorats respectifs.

Donc Marine Le Pen est en concurrence directe avec Mélenchon au niveau vote populaire. Les militants aguerris ne se laisseront pas prendre par les sirènes lepénistes mais l’électeur lambda, peut-être. Nous verrons bien quel transfert s’effectuera au second tour entre certains électeurs de Mélenchon vers Marine Le Pen.

Le problème se trouve dans la question toute simple : comment faire pour démontrer que le clan Le Pen est tout sauf pour le monde du travail, sauf pour la classe ouvrière. Et surtout comment convaincre les travailleurs que Marine Le Pen utilise le vote ouvrier dans son propre intérêt de pouvoir. Marine Le Pen est comme Macron à ce niveau, elle prend les ouvriers pour des gogos, des gens peu instruits et qui parfois puent la sueur…Un peu comme Hollande avec les sans-dents. Donc voter pour Le Pen, c’est se tirer une balle dans le pied et favoriser l’autre ennemi.

Face à la mascarade électorale, les libertaires peuvent toujours proposer un arrêt massif et simultané du travail permettant de paralyser l’économie, d’arrêter la production et mettre à mal le Pouvoir. Pas certains que la Grève générale passe du slogan à la mise en pratique de ce qui serait un bon outil d’expropriation du patronat. Parfois, on peut cependant être surpris. Mais les mantras répétés à l’envi demeurent souvent lettre morte.

Plus simplement, les libertaires devraient profiter des quelques marges de liberté qu’il nous reste encore pour changer nos manières de vivre, de penser et d’agir. La jeunesse pourra-t-elle être la génération rebelle, celle qui s’oppose à l’extrême droite ?

Réinventer les alternatives face au système qui nous broie. La dynamique de la vie et des expériences, nous y croyons encore. La radicalisation des luttes (climat, féminisme, contre-culture, grèves de travailleurs…), une certaine spontanéité, peuvent créer un effet d’entraînement et d’émulation. Nous ne pourrons faire l’impasse sur le changement des mentalités et au Libertaire, nous faisons le choix de la non-violence.

Toute représentation politique est une trahison. Le politicien qui te représente est un arrogant avec un ego surdimensionné et il ne respecte pas ce qu’il t’a promis pour que tu votes en sa faveur. La démocratie parlementaire, c’est du blabla qui ne peut changer profondément les choses. C’est une rhétorique qui finalement maintient le système, même s’il faut parfois changer de personnel politique pour donner le change.

Pas question pour nous de pactiser avec nos oppresseurs. Pour qu’une nouvelle génération rebelle voie le jour, il faut éviter l’écueil du prêt à penser. De même la rébellion doit s’accompagner d’une remise en cause absolue de tous les types d’autoritarisme y compris l’autoritarisme de gauche et d’extrême gauche marxiste.

La culture ouvrière disparaît petit à petit sous l’effet des écrans, la culture de masse et la consommation de masse.

La stratégie libertaire pour réussir doit fédérer toutes les luttes et mouvements de liberté : écologistes, éducateurs libertaires, artistes, féministes, pacifistes, antimilitaristes, athées, minorités sexuelles…Ce sont des droits nouveaux qu’il nous faut conquérir. C’est toute la mercantilisation de la culture, les mesures d’audience qu’il faut bipasser et récupérer des espaces de liberté et de penser  afin de faire évoluer les mentalités et le système.

Là est le mouvement qui déplace les vagues en attendant de déplacer les montagnes.

Dans l’immédiat, abstention. Pas une voix pour Le Pen, pas une voix pour Macron. Attention, qu’on s’entende bien ; nous sommes dans un principe de réalité. Pour nous, un taux important d’abstention, au deuxième tour de la présidentielle, est certainement plus efficace qu’un vote barrage pour laisser les coudées franches à Macron. Plus Macron sera élu avec un fort taux d’abstention, moins il sera légitime pour faire passer ses réformes libérales.

De toute façon, le patronat se fiche bien du résultat des élections, du moment que Macron soit élu. Les élites intellectuelles et économiques ne sont pas prêtes pour faire appel à l’extrême droite, aujourd’hui. Tant qu’aucun mouvement social important ne pointe le bout de son nez et que Macron fait le job, il n’y a aucune raison que les patrons veulent un changement à la tête de l’Etat. L’équation sera peut-être différente à l’avenir mais pour l’instant que ça ronronne, que ça déconne, que ça Macrone…le principal c’est que les travailleurs soient au boulot au lendemain des résultats du deuxième tour et que les profits continuent à atterrir dans les poches du patronat.

Ti Wi (GLJD)