Elections municipales 2020

Art de rue

Les élections sont un domaine de la vie sociale auquel les anarchistes ont toujours accordé la plus grande…abstention. Et ils ne sont pas les seuls.

Les abstentionnistes sont désormais devenus le plus grand parti de France. Un parti qui, aux dernières élections européennes, représentait 50% non pas de l’ensemble des citoyens mais des seuls électeurs inscrits sur les listes électorales, ce qui laisse une belle marche de progression.

Mais peut-on honorer du nom de citoyen ceux qui s’abstiennent de se choisir des représentants ? C’est ce que se demandent les adeptes convaincus du suffrage universel. L’individu serait-il à ce point évolué qu’il puisse prétendre à se passer de représentants éclairés ? Allons donc ! D’autant qu’il faudrait être bougrement présomptueux pour faire la fine bouche devant le choix qu’on lui propose, au citoyen. Des représentants de premier choix, on vous l’assure. Tous les électeurs des pays « démocratiques » n’ont pas la chance, comme le peuple français, d’être représentés par une telle élite.

A chaque veille d’élections, les médias en appellent à la conscience civique du citoyen. Ne pas voter, c’est accepter, en somme, d’être compté pour rien. N’est-ce pas beau comme l’antique ?

Parler de choix critique de l’électeur alors qu’en réalité on lui impose une galerie de personnages désignés par des partis et dont il n’a pas eu à discuter la sélection préalable est déjà assez plaisant, non ? Le seul choix vraiment libre qui reste au citoyen est celui de participer ou non à la supercherie du suffrage universel. Et quand bien même le choix serait réellement libre, cela ne changerait rien au principe même de la délégation de pouvoir. Comme le dit Herbert Marcuse : « Le fait de pouvoir élire librement des maîtres ne supprime ni les maîtres ni les esclaves. »

L’homme qui vote, loin de manifester son libre arbitre, l’aliène au contraire. La délégation de pouvoir est la reconnaissance implicite de la supériorité du mandataire sur le mandant. Sinon quel serait l’utilité de se faire représenter ? Or, je vous le demande, quel homme pourrait-il avoir assez de dignité pour s’abaisser à s’estimer inférieur à la plupart des pantins qui nous gouvernent ?

Voyons…Un individu peut-il manger, dormir, s’instruire, se développer, aimer par délégation ? (Encore que, dans ce dernier cas, son consentement ne soit pas toujours requis !) Et l’on voudrait que le citoyen se décharge sur autrui du soin de décider de toute question intéressant non seulement sa propre personne mais la collectivité tout entière !

Ce serait bien-là, précisément, faire per de  cas de sa propre personne et accepter d’être compté pour rien.

« Avec le système électoral », affirmait Louis Bertoni, « la grande masse des électeurs s’en rapporte uniquement pour cela à quelques élus. Il en résulte que celui qui vote le fait surtout avec l’idée plus ou moins consciente de s’abstenir ensuite de s’occuper de la chose publique. Il s’en décharge sur son élu. Le vote, plus qu’une participation à la vie publique, ne représente qu’un renoncement à s’y mêler. Chaque électeur pense qu’il vaut mieux qu’un autre le fasse pour lui. »

Au lieu de se désintéresser de la question sociale, les libertaires veulent au contraire s’y impliquer directement et totalement en participant eux-mêmes, librement, à la réalisation d’une société plus juste, plus harmonieuse et plus humaine.

Le véritable abstentionniste est donc bien l’électeur puisque, en s’en remettant à autrui du soin de régler l’organisation sociale, il s’abstient volontairement d’y participer activement.

André