Elections départementales des 22 et 29 mars 2015. Au Havre: abstention

Antifascisme

Elections départementales des 22 et 29 mars 2015

Fidèle à une tradition dont la portée réelle lui échappe en partie, « le peuple » qui ne connaît que très peu les attributions et prérogatives des conseils généraux/départementaux  va, en ce début de printemps 2015, retourner aux urnes. Grâce à ce suffrage « universel » chaque citoyen va enfin pouvoir exprimer ses vœux touchant à la chose publique.

La voix est au peuple ! dit-on aujourd’hui dans toutes les officines politiques.

Déjà chaque parti se met en scène pour la grande parade. Des flots d’éloquence et de bassesses sont déversés que nulle écluse ne saurait détourner de leur cours. Les électeurs vont avoir à se prononcer entre tels partis de l’extrême gauche à l’extrême droite, programmes ou candidats, pour celui qui leur paraîtra le plus apte à réaliser leurs aspirations. Et ils ne manqueront pas de suivre avec intérêt cette funeste comédie qui n’a d’autre objet que de perpétuer l’état de servage dans lequel se trouvent les travailleurs, tout en leur donnant l’illusion qu’ils sont maîtres de leur destin. Éternel recommencement, bien qu’il y ait cette fois-ci une nouveauté : le Front National, parti d’extrême droite, est donné favori du scrutin en terme de voix. Alors l’amalgame gagne : UMPS, FNPS…Dans le ducon tout est bon.

On nous permettra de ne pas partager l’allégresse ou les espoirs que peut susciter l’événement électoral. Nous savons trop ce qui peut sortir d’une semblable débauche de promesses et pitreries. Nous en tenant à notre position de toujours, nous ne voterons pas. Pour la gauche ne pas voter, c’est faire le jeu de la droite y compris l’extrême et pour la droite c’est faire le jeu de la gauche ou de l’extrême droite. L’abstentionniste fait toujours le jeu de l’adversaire d’après nos adeptes de la rhétorique politicienne alors qu’en réalité l’abstentionniste est le seul être raisonnable en pareille circonstance.

Pourquoi déposer un bulletin de vote dans le but d’élire des conseillers départementaux (anciens conseillers généraux) qui seront entièrement soumis aux édits du pouvoir central, de l’État, et qui, par conséquent, ne pourront agir en conformité de la volonté exprimée que dans la mesure où celle-ci correspondra aux intentions du pouvoir exécutif venant d’en haut ?

Et si cette précision n’était pas suffisante pour expliquer les raisons de notre non-participation à cette plaisanterie de mauvais goût, nous pourrions ajouter que si, par le suffrage universel, le citoyen a la faculté de faire savoir ce qu’il désire, il n’a pas pour cela la possibilité de le réaliser. Les puissances financières, industrielles et gouvernementales pèsent de tout leur poids sur les délibérations des assemblées même les plus démocratiques et rendent caduques les plus grandes victoires électorales. Il n’est qu’à constater ce que représente le socialisme des Macron, Hollande et Valls pour voir que leur politique diffère peu de celle de l’ancienne majorité de Sarkozy, quitte à bipasser l’assemblée nationale en utilisant le 49.3.

Superflues les élections pour ceux qui inclineraient à penser qu’elles pourraient avoir des répercussions dans le chaos actuel ! Non seulement par leur caractère spécifiquement politiques elles portent la marque de leur impuissance à modifier le cours des choses mais, encore, elles arrivent trop tard, à un moment où toutes les décisions sont prises ! À part la liquidation de quelques querelles de clocher dans lesquelles l’élection se complaît volontiers, les assemblées départementales ne pourront plus qu’enregistrer les arrêtés des quelques éminences qui, à tort, voulons-nous croire, ont pensé pouvoir délibérer pour l’univers entier.

Ainsi, malgré les déboires qu’il a connus, bien qu’il ne manque pas d’être quelque peu sceptique quant aux résultats qu’il peut en attendre, le peuple se prépare à tenter, une fois de plus, d’obtenir du mieux-être en recourant à l’action politique, quoique de moins en moins de nos jours. Or, la lutte politique, dont l’élection constitue la forme la plus caractéristique, ne met pas en cause l’ordre établi, qui repose sur l’autorité de l’État, lequel est le policier de la propriété individuelle, de la propriété des moyens de production, grand principe de l’économie capitaliste. Le pouvoir politique n’étant que l’instrument de la puissance économique, on s’en prend aux effets, et en oublie les causes.

Les timides réformes qui peuvent résulter d’une victoire électorale ne sont généralement que théoriques. Et s’il arrive qu’elles modifient tant soit peu les conditions de vie des exploités, c’est qu’elles sont passées dans les faits avant même d’être inscrites dans la loi ; c’est qu’elles ont été obtenues par d’autres moyens que les bulletins de vote : par l’action directe du salariat imposant des concessions au patronat sur les lieux mêmes du travail. C’est par la grève qu’ont été arrachées les véritables conquêtes ouvrières.

Les élections législatives de 1936 par exemple ne sont pas la cause des réalisations sociales de cette année désormais célèbre dans la mémoire ouvrière. C’est dans la grève, dans les occupations d’usines qu’il faut en chercher la cause profonde, les puissances d’argent se souciant peu des négociations et des succès électoraux. En 1936, le Cartel des gauches devait se retirer devant le mur d’argent. En 1938, deux ans après la victoire du Front Populaire, la politique du gouvernement devient nettement réactionnaire ; cela malgré que les élus soient ceux de 1936, la détermination ouvrière de lutter sur le plan économique s’étant relâchée.

 

C’est par amour de la liberté que nous nous abstenons de prendre part à des manifestations ou de nous fourvoyer dans des institutions qui n’ont de démocratiques que le nom.

Nous ne nous méprenons pas sur ce que contient cette liberté politique que l’on nous vante tant. Elle n’est qu’un moyen de donner l’illusion de la liberté tout court, laquelle ne peut exister, dans le monde actuel, que pour la minorité privilégiée de la fortune. C’est pourquoi nous n’en ferons pas usage, et ce avec la certitude de ne rien perdre. Et nous souhaitons ardemment de voir la classe ouvrière, dans son ensemble, cesser de perdre son temps dans des manifestations spectaculaires et trompeuses, et renoncer à une forme platonique de lutte qui a fait ses preuves. L’arrivée de la gauche au pouvoir a-t-elle été bénéfique aux travailleurs : non ! Le FN au pouvoir arrangerait-il le sort des salariés : non, mille fois non ! Ce FN qui n’est que le miroir de notre société malade et de la participation électorale jaugeant une opinion publique de plus en plus réactionnaire.

Face aux illusions qu’entretiennent les endormeurs de la scène politique, nous opposons, aujourd’hui comme hier, la lutte directe des exploités contre leurs oppresseurs. Ce n’est pas dans l’isoloir qu’elle peut se dérouler, mais dans les bureaux, à l’atelier, au chantier, à l’usine, à l’école…seuls chemins qui mènent, avec la culture intellectuelle, à la véritable libération des opprimés, ― à la Révolution sociale.

Groupe libertaire Jules Durand