Dante Armand Gatti ne lira plus ses poèmes

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Aujourd’hui, faire mémoire de la tragédie espagnole d’hier résonne dans le récit permanent de la douleur des peuples qui fuient la guerre, la peur et et la faim pour s’échouer sur les terres d’abondance de la forteresse européenne…
Un jour de printemps 2013, je me retrouvais, très ému, à Montreuil, au dernier étage sous les toits, dans le bureau-bibliothèque de Dante, alias Armand Gatti, avec quelques compagnons de notre toute neuve association de mémoire espagnole . Hélène Châtelain, compagne 1 de Dante, restait debout contre un mur et nous regardait tranquillement ; le vieux chien de la maison dormait sous ma chaise.
Je n’avais pas revu Gatti depuis Liège, en 1983, où il venait présenter son film Nous étions tous des noms d’arbres (les jeunes frères Dardenne avaient collaboré à la réalisation liégeoise). Le poète avait devant lui le livre de l’histoire incroyable de ces républicains espagnols2 qui, vaincus hier dans leur pays par le fascisme international des années trente, devaient participer, cinq ans plus tard, à la libération de la France : Normandie, Paris, Strasbourg, Berchtesgaden…
Nous demandions alors à Gatti d’écrire une pièce de théâtre d’agit-prop, comme il l’avait fait en 1968 avec La passion du général Franco (interdite de TNP par de Gaulle, puis autorisée sous le titre Passion en violet, jaune et rouge, et jouée dans les entrepôts Calberson en 1972). L’homme arborait sur sa veste de toile noire un badge « Durruti ». Nous regardant tous attentivement, il avait brandi le bouquin de La Nueve en disant : « Je n’ai pas besoin d’écrire : tout est là ! » Et il nous désignait chacun du doigt en ajoutant : « Et c’est vous qui allez la jouer ! ».
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