Le combat pour une écologie sociale et libertaire sera long

Etel

Réorienter la production et se réapproprier les moyens de production et de distribution. Voilà une piste que les syndicats évitent soigneusement d’aborder car ils aiment se répartir les tâches avec les politiciens (A ces derniers, l’accession au pouvoir par les urnes). C’est donc une piste que les libertaires doivent soigneusement valoriser. Parce que faire confiance au capitalisme pour lutter contre le réchauffement climatique est d’une naïveté confondante. L’exemple d’Exxon qui savait depuis des décennies que les énergies fossiles dopaient le dérèglement climatique est là pour nous rappeler que seuls les profits intéressent les capitalistes. Ne pas faire confiance non plus aux grands commis de l’Etat qui sont là pour rassurer et faire comme si de rien n’était. L’exemple de l’incendie du 16 janvier 2023 à Grand-Couronne (Seine-Maritime) est sidérant. Un entrepôt du groupe Bolloré (Bolloré Logistics) a pris feu ; celui-ci s’est propagé à un bâtiment attenant, appartenant à une autre société (Districash accessoires) et qui contenait environ 70.000 pneus. Des batteries de lithium et des pneus ont donc brûlé avec un épais panache de fumée à la clef. Et le préfet d’indiquer: » S’agissant des fumées, les mesures ne font apparaître aucun élément particulier préoccupant ». Il ne s’agit pas d’un site Seveso mais d’un site « à enregistrement »…C’est une batterie au lithium qui a pris feu dans une cellule du bâtiment où étaient stockées « environ 12.250 batteries ou éléments de batteries au lithium » selon l’exploitant. Donc, ça sentait le brûlé mais il n’y avait pas lieu de déclencher les sirènes pour alerter la population, aucune raison de confiner…. Pourtant la catastrophe Lubrizol à Rouen est dans toutes les mémoires. Et tout le monde sait que des pneus et des batteries qui brûlent, ce n’est pas toxique… Les métaux lourds, la dioxine…sur les sols et dans l’eau, c’est ballot.

Les profits recherchés à grande échelle ne peuvent être écologiques, c’est antinomique. Par contre les luttes environnementales et les luttes sociales sont indissociables. Elles doivent être menées de front. Nous savons que la répression va s’abattre durement contre ceux et celles qui appliqueront la désobéissance civile, le sabotage…

Le 28 novembre 2022, la cour d’appel de Nancy a requis des peines allant de douze mois de prison ferme à huit mois avec sursis contre sept opposants au projet Cigéo.

Depuis le début de cette affaire, il y a cinq ans, les prévenus ont dénoncé un procès « politique » visant à criminaliser et à étouffer leur lutte contre Cigéo, ce projet d’enfouissement de 85 000 m³ de déchets nucléaires extrêmement radioactifs, à Bure (Meuse). Voilà un exemple de répression ; il faudra suivre ceux d’Extinction Rebellion et autres activistes de l’environnement.

Entre les capitalistes via les économistes et les militants écologistes via les scientifiques, le torchon brûle. Les économistes, du moins la plupart, évoquent les coûts. Si ces derniers augmentent, les individus chercheront des solutions de substitution. A part que les travailleurs qui habitent en zone rurale n’ont d’autre choix que d’avoir une ou deux voitures pour aller bosser. Et que les voitures électriques par exemple sont hors de prix. Sans compter l’inflation, le prix du carburant et de l’énergie. Les économistes comme les politiciens sont généralement hors sol. Les petits salaires sont pénalisés contrairement aux hauts revenus qui trouveront toujours une échappatoire.

Les scientifiques parlent de « finitude de la planète ».

Alors décroissance ou croissance verte ?

Ce qui est certain, c’est que les solutions des économistes en l’état actuel des propositions basées sur la croissance ne peuvent résoudre les problèmes du réchauffement de la planète, la perte de biodiversité, l’eau qui se raréfie…Les économistes qui basent leur réflexion sur les prix permettant un changement de comportement des individus font l’impasse sur les millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté. L’augmentation des prix non compensées par des hausses de revenus induisent le rationnement pour les plus démunis. Faire confiance aux marchés nous amène droit dans le mur des inégalités croissantes au sein de la population. Les solutions à mettre en place bouleverseront notre manière de vivre ; c’est pour cela qu’il faut remettre en cause les classes possédantes privilégiées qui possède le pouvoir de décider et de consommer de manière démesurée. Dans le dérèglement climatique, les travailleurs sont nettement moins responsables que la bourgeoisie de la crise écologique. Les libertaires le disent clairement, nous devons produire et consommer différemment. La croissance actuelle s’effectue sur le fait de produire toujours plus de biens à obsolescence programmée, le tout jetable, le plastique à gogo, les budgets publicitaires faramineux, des SUV qui permettent des marges plus importantes pour les constructeurs automobiles…La gabegie à tous les étages. Voilà ce qu’il faut commencer à déconstruire. Parallèlement, nous pouvons accentuer les mises en place de réelles pistes cyclables sécurisées (pas des bouts de peinture au sol), la limitation de vitesse à 110 km/h sur les autoroutes (pas besoin d’attendre le feu vert de l’Etat pour le faire), supprimer les passoires thermiques en aidant les locataires et petits propriétaires à mieux isoler leur logement, subventionner les modes de chauffage moins énergivores ( pas uniquement pour les plus pauvres mais aussi pour les classes moyennes). Au niveau de Ma Prime Rénov’, les aides accordées servent à mener des opérations limitées. D’autant que changer un mode de chauffage n’améliore en rien l’efficacité énergétique du bâti. En réalité ce système n’est pas très cohérent.

Renforcer les subventions et les commandes de nourriture bio (cantines, magasins solidaires, coopératives…). Permettre aux individus de mettre des panneaux solaires subventionnés sur les toitures, dans les jardins…afin de diminuer notre consommation d’énergies fossiles ou nucléaires.

Des solutions existent mais c’est la volonté politique qui manque. Sans compter les lobbys qui entravent la réflexion et la mise en place d’alternatives. Un grand coup de pied dans la fourmilière, voilà ce qu’il faut. Quand on voit que les distances réglementaires d’épandages de pesticides près des habitations sont ridiculement faibles pour protéger les riverains et l’environnement, on sent le chemin qui reste à parcourir pour faire fléchir le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel.

Le combat pour une écologie sociale et libertaire sera long dans ces conditions mais les militants sont coriaces et têtus.

Patoche (GLJD)