Une CNT française est-elle possible ?

Esclavage des femmes

Position de l’O.C.L. (Front libertaire du 25 mars 1978) sur l’opportunité de créer ou non la CNT.

Ce texte rédigé début 1978 mérite que l’on reparle du contexte de l’époque. La CNT espagnole connaît une forte expansion après la mort de Franco en 1975. Elle organise des meetings de masse à Barcelone et regroupe près de 100000 adhérents, ce qui donne espoir au camp anarcho-syndicaliste, espoir bien vite déçu suite aux scissions et problèmes entre l’exil et les cénétistes ayant vécu sous la dictature franquiste. Sans compter le complot de la Scala pour discréditer la CNT…

En ce qui concerne la France, de nombreux libertaires militaient à la CFDT avant que celle-ci ne se recentre et devienne le syndicat complice des gouvernements pour signer divers accords de régression sociale. D’où la naissance des syndicats SUD en décembre 1981…

Revenons au texte de l’OCL de 1978

Oui, nous sommes anti-syndicalistes

Il ne s’agit pas ici de faire l’analyse du procès d’institution (intégration du syndicalisme, nous renvoyons le lecteur aux textes s’y rapportant). La critique du syndicalisme et notre volonté de construire « le mouvement autonome de masse en dehors des syndicats » ne sont pas des « élucubrations de pseudo-intellectuels se vautrant dans un langage à la dernière mode « gauchisante », mais le résultat d’une praxis. La critique des syndicats et le départ volontaire de certains camarades de la CFDT s’est opéré à partir du vécu militant, c’est-à-dire l’impossibilité de mener une pratique d’auto-organisation et d’autonomie ouvrière en restant dans le syndicat. La différence entre la CNT  (espagnole) et la CNTF outre leur importance et leur rôle, c’est que contrairement à la première, qui s’est reconstituée et continue à le faire sur une dynamique de lutte, les camarades de la CNTF ont une démarche totalement inverse, celle volontariste et subjective de la construction de l’organisation, complètement coupée de la réalité politique actuelle de la classe ouvrière. La CNTF utilise le prestige du sigle « CNT », valorisant l’organisation espagnole en masquant complètement ses contradictions internes. Cette pratique n’est pas nouvelle : le PCF s’est construit sur le prestige de la Révolution d’Octobre et du paradis socialiste, plus tard, les maoïstes européens connurent un certain succès, à partir de la Révolution Culturelle, des communes populaires, de Mao Tsé Toung. C’est toujours le même processus qui a lieu : valorisation de phénomènes extérieurs et utilisation positive de ceux-ci chez soi, c’est-à-dire ailleurs.

Une CNT française est-elle possible ?

Nous ne le pensons pas. Sur le but, nous sommes bien d’accord qu’il est la « destruction du patronat et du salariat ». Ce n’est pas cela que nous mettons en cause, mais bien plutôt son rôle et sa pratique avant l’insurrection. Même composée de plusieurs centaines de libertaires, elle ne sera jamais l’organisation de masse du prolétariat, mais une organisation politique faisant de l’agitation syndicale avec un programme revendicatif « différent », plus gauche (nous le maintenons) que la CFDT. Si le but réel des camarades de la CNTF est le développement de l’autonomie ouvrière, il faut qu’ils sachent que celle-ci ne dépend pas de la construction d’une organisation théoriquement appropriée, mais le regroupement sur les lieux de travail – entre autres – de militant(e)s  sur des bases anti-autoritaires. Ce sont ces regroupements qui définiront eux-mêmes les formes de leur liaison, structuration, organisation éventuelle.