Benito est mort, Meloni arrive

Femmes Orgosolo

La victoire de Giorgia Meloni, présidente de Fratelli d’Italia, nous invite à la réflexion. Quels sont les ressorts de sa victoire ? Peuvent-ils servir à Marine Le Pen, en France ?

Sur quels sujets, G. Meloni a-t-elle fait campagne ? Elle s’est insurgée contre les politiciens qui profitent du système et de leurs privilèges. Donc elle a axé sa campagne sur la méritocratie, dénonçant même les fils à papa, sans céder aux discours anti-élites. Mais parallèlement, pour attirer les plus démunis, elle a opté pour augmenter les minima sociaux, les petites retraites, les pensions d’invalidité…Elle s’est fait ainsi le chantre de l’Etat-providence et a demandé l’instauration d’un salaire minimum.

Favorable à un plafonnement des prix du gaz fixés à un niveau européen, elle souhaite bloquer la flambée des prix de l’énergie pour soulager le porte-monnaie des Italiens. A la manière du socialiste Arnaud Montebourg (made in France), Meloni plaide pour le Made in Italy. Parallèlement, comme toutes les coteries religieuses, elle demande à ses compatriotes de faire davantage d’enfants. C’est le thème récurrent de tous les populistes : le déclin de la population autochtone au profit des submersions migratoires. Elle laisse faire cependant le sale boulot à Matteo Salvini sur le thème de l’immigration. Salvini ayant finalement un côté Zemmour, très outrancier, qui permet à Meloni d’apparaître, moins clivante et plus responsable. D’où son succès.

La victoire de la coalition des droites en Italie, le 25 septembre 2022, est surtout celle de Meloni car le vide programmatique de ses alliés Berlusconi ( (Forza Italia) et Salivini (la Ligue) est sidérant. Elle s’inscrit dans le sillage des récentes victoires de l’extrême droite en France (Marine Le Pen présente au deuxième tour de la présidentielle et 89 députés) et en Suède où les Démocrates de Suède ont obtenu 20,5% des voix. Force est de constater que ces partis ont misé sur une dédiabolisation afin d’apparaître crédibles et fréquentables.

Nous analyserons l’attitude prochaine de Marine Le Pen qui contrairement à Meloni n’est pas atlantiste. Cela ne saurait tarder pour celle qui aspire au pouvoir en France. Meloni ne met absolument pas en avant les tirades de Berlusconi et Salvini, pro-Poutine de tous les instants. Elle entend rester fidèle à l’OTAN.

Le post-fascisme de Meloni s’inscrit dans un équilibrisme entre radicalité des propos (sur l’Islam, les immigrés qui prennent le travail des Italiens, la Nation…) et tentative de se crédibiliser sur le plan économique, surtout qu’elle aura besoin des fonds européens pour mener à bien sa politique. Nous avons vu Marine Le Pen se faire opportuniste et flexible sur l’Europe, Meloni agira-t-elle de même ou se laissera- t-elle prendre en étau par ses alliés croquignlolesques. Pour l’instant nous penchons pour la première solution car Meloni a su se mettre dans la poche les milieux d’affaires.

Nous le répétons souvent, mais pour que le fascisme arrive au pouvoir, il lui faut le soutien d’une « élite intellectuelle » et du patronat. Les élites économiques italiennes semblent croire que Meloni sera la plus à même d’assurer la continuité économique de Mario Draghi sans que des perturbations sociales ne viennent troubler leurs affaires. Car le but du patronat, c’est de faire du fric et le plus possible. Meloni s’est substituée à Berlusconi, autrefois adulé des patrons. Elle prend au sérieux les questions budgétaires, ce qui la crédibilise d’autant vis-à-vis de tous les milieux. Elle use et abuse cependant du bouc émissaire : elle promet un blocus naval afin d’empêcher les migrants d’arriver en Italie. Comme si les migrants étaient responsables de l’inflation, de la guerre en Ukraine, de la crise énergétique et climatique…

Maintenant, nous connaissons tous et toutes les positions de Meloni concernant l’IVG qu’elle compte limiter et entraver. Les droits des femmes seront soumis à rude épreuve sauf si la rue s’en mêle. Sa vision de la maternité est rétrograde ; cette dernière doit être considérée comme un devoir rempli pour la patrie, la nation…Le droit des femmes à disposer de leur corps, le choix personnel d’une maternité…tout cela pour Meloni, c’est dépassé. Mais pas Dieu, famille, patrie. On chasse le naturel (mussolinien) et il revient au galop. Les droits LGBT seront aussi dans la tourmente.

Ce qui arrive à l’Italie aujourd’hui peut très bien nous arriver demain. Il faudra regarder de près l’attitude des patrons français vis-à-vis de Marine Le Pen.

Alors que les anarchistes étaient écoutés dans le milieu ouvrier, avaient l’oreille de nombreux artistes, il y a encore quelques décennies, nous en sommes réduits à réfléchir comme certains pédagogues vis-à-vis de la science au défi à relever pour aller à la rencontre de celles et ceux qui pensent que l’anarchisme ne peut rien apporter et qu’il n’est pas fait pour elles/eux. Alors que le post fascisme le serait ? L’enthousiasme des militants libertaires tient justement au fait qu’ils entendent encore être une alternative, diffuser nos idées et connaissances scientifiques afin de les rendre plus populaires. Mais il y a du chemin à parcourir tant il est semé d’embûches.

Patoche (GLJD)