Bagnes pour enfants

Prisonnier

La Troisième République chère à Jaurès était édifiante à bien des égards: répression contre le mouvement ouvrier et paysan, bagnes militaires, colonisation et son lots d’assassinats et d’exactions, travail des enfants en usine,misère ouvrière, bagnes pour enfants et nous pourrions lister un bon nombre de saloperies de cette république de bourgeois, de militaristes et de ripoux…

Autres Bagnes

            Un enfer où il faudra bien s’efforcer un jour de jeter quelque lumière, ce sont les bagnes d’enfants.

         A chaque instant, les journaux relatent une révolte, des évasions collectives ou d’autres faits impressionnants qui permettent d’imaginer à quel régime atroce sont soumis les malheureux enfants que l’on prétend amender.

Le Journal de 1er février raconte l’histoire navrante du jeune Réto, mort ces jours derniers à la colonie pénitentiaire de Belle-Isle.

Réto se trouvait si bien dans cet établissement qu’il s’en évada à trois reprises. Lors de la dernière évasion, il erra pendant deux jours et deux nuits dans la campagne, puis, après avoir volé des vêtements dont il se vêtit, il partit dans une barque, espérant pouvoir arriver à Quiberon ; il fut rencontré, en pleine mer, deux jours après, par des pêcheurs. Il allait succomber.

Pour que le malheureux enfant ait ainsi risqué sa vie, il fallait qu’il eût de graves raisons de fuir le pénitentier de Belle-Isle. Devant le juge d’instruction de Lorient, il déclara qu’il préférait aller au bagne que de retourner dans l’établissement. Il fut condamné à trois mois de prison, puis, le 30 novembre, il fut dirigé sur Belle-Isle ; à son arrivée, on lui infligea une « râclée ». Puis il fut mis immédiatement en cellule, au régime du pain sec. C’est le 2 janvier au soir qu’on s’aperçut qu’on était allé trop loin. En effet, le malheureux râlait. Transporté, vers 5 heures, à l’infirmerie, il y succomba dans la nuit. Le lendemain, le médecin-major Lannou fut appelé et pratiqua l’autopsie ; il releva la tuberculose des deux poumons et déclara que la mort était due à une congestion pulmonaire et à la grippe.

Ainsi donc, aucun médecin n’avait été appelé à soigner cet enfant tuberculeux, atteint de la grippe, que l’on maintenait dans une cellule, exposé aux froid et aux privations.

C’est un véritable assassinat, dont la population indignée rend ouvertement responsables, s’il faut en croire le Journal, le directeur Camille Perron, le gardien chef Rousseau et l’instituteur en chef Desserres.

Cette affaire, comme bien d’autres, hélas ! N’aura pas de suite sérieuse.

Qui pourrait, en effet, s’intéresser à la situation de ces pauvres petits martyrs ! Comme les disciplinaires de l’armée, ce sont de « mauvais sujets » indignes de compassion.

Et d’ailleurs, quel profit retirer de leur défense ? Ces enfants ne sont pas électeurs, et aucun syndicat financier n’a intérêt à l’amélioration de leur sort.

A.    G.

T.N. 11/02/1911

P. S. – Nous recevons de notre correspondant les renseignements suivants sur le régime auquel sont astreints les colons de Belle-Isle.

Comme on pourra en juger, ils sont édifiants :

« Les évasions de ce bagne de Belle-Isle sont très fréquentes et devant les tribunaux où comparaissaient les fugitifs, ceux-ci ne cessaient de répéter qu’ils préféraient le bagne plutôt que de retourner à la colonie ».

Les révélations sur ce bagne sont absolument affreuses :

« Les châtiments étaient principalement ceux de la marche et de la cellule. La chambre de discipline a été installée dans une chambre rectangulaire d’un bâtiment de la colonie ; les murs sont blanchis à la chaux. Une piste surélevée, ressemblant à celle qui entoure la piste des cirques, a été construite en planches. Dans cette salle, les colons sont conduits à 8 heures du matin. Ils sont placés sur la piste en file indienne, se touchant tous, puis on les fait se mettre en marche. Au bout d’un moment on entend le souffle haletant des poitrines, mais il faut continuer de marcher. Au bout d’une heure, il y a cinq minutes d’arrêt, mais les colons ne doivent faire aucun mouvement, sinon leurs punitions sont augmentées. Puis la marche reprend ainsi jusqu’à midi et le soir, même exercice jusqu’à quatre heures.

« Quand aux cellules de la colonie, elles sont toutes situées dans un bâtiment glacial, entièrement traversé par un couloir où règne un courant d’air continuel. Les cellules ont quatre mètres carrés environ de surface. L’air et le jour viennent d’une lucarne située au plafond. Il y règne un froid terrible en cette saison ».

Et c’est avec de tels procédés qu’on espère améliorer la conduite des jeunes détenus ! Et c’est au XXè siècle, en France que se passent de telles abominations ! ! !

NEMO