Après l'élection de Macron 2022, des pistes pour un Autre Futur

Grève 8 mars 2022

Après l’élection présidentielle d’avril 2022, les libertaires devront sérier leurs principaux axes de lutte afin de limiter la casse sociale mais aussi de faire avancer de réelles avancées écologiques et sociétales.

Ces axes, qu’il faudra mener de front et en même temps comme dirait l’autre, s’articulent autour de combats traditionnels comme l’antimilitarisme et l’anticléricalisme ainsi qu’autour de combats réactualisés comme l’écologie et le féminisme sans oublier la lutte des classes.

La lutte des classes est toujours d’actualité.

Concernant cette dernière, Emmanuel Macron a déjà prévenu qu’il s’attaquerait aux problèmes des retraites et du RSA, sans compter ce qu’il nous réserve et qui n’augure rien de bon. Fort de son élection démocratique qui ne sera remise en cause par aucun parti politique « républicain », il ne restera d’autres choix que la rue et les mobilisations de masse pour inverser la tendance et mettre un frein aux velléités libérales du deuxième quinquennat de Monsieur Macron. La défense des retraites pourrait être le lien collectif qu’il nous manque pour faire reculer le pouvoir et pour gagner d’autres victoires. Si nous perdons sur les retraites, problème qui fédère le plus grand nombre de personnes, il nous sera difficile de gagner sur d’autres thèmes. Par exemple la bataille du temps de travail pour émanciper les travailleurs du travail : moins de sueur à donner aux patrons. La revendication des 32 heures était déjà portée par les libertaires dans l’entre-deux-guerres (Bénard…). Elle n’a rien perdu de sa pertinence aujourd’hui.

Les crises sanitaires et climatiques ont certes délégitimées le néolibéralisme (idem pour les régimes autocratiques) pour leur gestion « courtermiste » de la pandémie sans aucune anticipation des problématiques, et là encore ce sont les plus démunis et précarisés qui en ont été les principales victimes ; pour autant le chef de l’Etat a pu enfiler le costume du protecteur de la nation. C’est cette ambivalence qui est difficile à attaquer, la peur servant d’épouvantail au plus grand nombre. On constate le même phénomène avec la guerre en Ukraine.

A un autre niveau, les changements dans le travail s’accroissent. L’automatisation s’est encore accrue ces dernières années et le numérique bouscule les relations au travail et à la société. Avec la pandémie, il y a eu une remise en cause du travail notamment au niveau du contenu de ce dernier. De plus en plus de salariés remettent en cause les méthodes managériales des employeurs et certains sautent le pas pour changer carrément de travail même dans la Fonction publique. D’autres s’insurgent contre la précarisation croissante des emplois proposés ainsi que ce que l’on nomme « la gouvernance des chiffres ou des nombres ». Les fermetures de lits à l’hôpital, de classes en milieu rural, de services publics un peu partout sont de plus en plus remises en question. Il faudra s’appuyer sur ces données et mettre en cohérence les revendications pour ne pas jouer le corporatisme et les uns contre les autres.

Pour une écologie sociale et libertaire

Nous nous bornerons à reprendre le début de la « Lettre aux anarchistes », un texte de Jean-Louis Phan-Van :

« Pouvons-nous ne pas percevoir ni craindre l’avenir qui semble se dessiner, non plus à long mais à court terme, sans pour autant céder aux sirènes du catastrophisme ?

Pourtant, c’est le pire qui s’annonce à la fois imperceptiblement et parfois avec éclat.

Le réchauffement climatique est déjà à l’œuvre et ne peut plus être contesté. D’autres désastres écologiques silencieux, visibles ou pas, s’accumulent au fil des informations qu’on obtient.

Je ne rappellerai donc pas ici tous les méfaits du capitalisme dans sa destruction presque systématique de la nature et ce, au niveau mondial qui ne lui laisse aucune terre lui échapper !

Dans ce constat édifiant et lucide qui pourrait encore nier la question écologique puisque c’est l’avenir même de l’humanité qui est posé ?

Si par le passé, le mouvement anarchiste s’est difficilement relevé des barbaries du 20e siècle exercées par le fascisme brun ou rouge, avec cette question, il s’agit d’un défi autrement plus capital quant aux conséquences qu’elle pourrait produire.

Pourtant, il semble que la plupart des militants anarchistes font comme si cette question n’était toujours pas importante, incontournable ni essentielle, en s’entêtant à n’y voir qu’une préoccupation de bobos quand ce n’est pas pour certains une dérive à forte potentialité fasciste !

Alors que la question écologique s’impose au niveau planétaire, chaque mouvement libertaire continue à s’activer dans un cadre national selon des types d’intervention datant le plus souvent du siècle passé. A savoir pour les uns, l’activité syndicale et pour les autres des interventions culturelles ou plus spécifiques ou encore pour une minorité l’insurrectionalisme. Mais en gros, avec un message non pas identique mais très proche de celui du siècle passé ! Avec comme référence le prolétariat ou l’individu comme sujet révolutionnaire. Certes les archétypes que furent l’anarchosyndicalisme, le communisme libertaire ou l’individualisme ont perdu beaucoup de leur pertinence mais ils continuent aujourd’hui encore à inscrire et à modeler l’activité d’un grand nombre de militants.

En majorité, les anarchistes pensent toujours que seule la lutte de classe s’exerçant sur le terrain économique, c’est-à-dire les entreprises, presque exclusivement pour certains, est susceptible de changement et regardent donc l’écologie avec dédain.

Pourtant à partir des questions écologiques, on peut interroger le modèle de développement et de production et donc, de la place de l’économie, de sa finalité dans nos sociétés. Comme dans les années 70, on peut dire « on arrête tout, on réfléchit » mais pas de façon utopique, joyeuse et festive de cette époque comme une invitation à rêver mais par nécessité et urgence. »[…]

« Par ailleurs, l’engagement écologiste est vaste, d’une ampleur presque démesurée : il offre à toutes les bonnes volontés de quoi s’investir selon ses compétences, ses affinités et ses centres d’intérêts. A partir de toutes ces luttes, une contre-société pourrait se mettre en place et permettre « une propagande par le fait » au sens d’exemplarité, de démonstration, certes limitée et provisoire, mais apportant ici et maintenant des solutions. Aujourd’hui, de nombreuses personnes, jeunes ou plus âgées, sont à la recherche d’un engagement concret mais ne trouvent pas de quoi satisfaire leur soif de justice et de solidarité. Le mouvement anarchiste gagnerait beaucoup en étant dès à présent plus constructif et alternatif. En proposant et en développant ce type de pratique sociale, le mouvement s’émanciperait de l’image de violence qui lui colle à la peau et qui en partie lui vaut d’être marginalisé. Rien à voir avec une volonté de respectabilité ou de renonciation à ses idéaux, mais le choix de s’implanter socialement et durablement pour un mouvement qui garde encore ses prétentions de changer le monde ! »

Les libertaires ne doivent donc pas se cantonner à regarder passer les trains. Les gouvernements nous ont tous roulés dans la farine à maintes reprises. Après les chocs pétroliers de 1973 et 1974, plus d’un journal titrait : «  Les Etats-Unis et le monde sont au début d’une nouvelle transition énergétique » (New-York Times, 30 avril 1977). Et l’on sait ce qu’il est advenu. Nous avons continué à utiliser les énergies fossiles en sous-investissant dans les énergies renouvelables. Nous avons perdu du temps et il semble que la guerre en Ukraine va permettre aux lobbies gaziers et pétroliers de faire perdurer leur système très lucratif mais que nous paierons le moment venu, c’est-à-dire bientôt, au niveau climatique avec les conséquences désastreuses que l’on subit déjà : sécheresses à répétition, inondations, incendies…. D’autres crédules nous ont vendus « le monde d’après » suite à la pandémie mondiale de Covid 19. Nous y avons gagné une perte de liberté. Quant aux émissions de CO2, l’année 2021 s’est rattrapée et a connu une croissance record. Pour résumer, les promesses n’engagent que ceux et celles qui y croient. Les libertaires ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour rallier le plus grand nombre à des perspectives plus agréables : un monde où il fait bon vivre. Mais pour ce faire, on ne peut laisser la planète se dégrader à cause de nos activités non contrôlées.

Pour un combat antimilitariste renforcé

L’attaque de l’Ukraine par la Russie est une véritable aubaine pour toutes les usines d’armement. Tablant sur la peur des populations européennes craignant une invasion russe, les gouvernants vont non pas réarmer l’Europe mais amplifier le réarmement. En France, nous sommes déjà engagés dans une loi de programmation militaire sur la période 2019-2025. Le budget des armées sera porté à 50 milliards d’euros en 2025. C’était ce qui était prévu bien en amont de la guerre en Ukraine. Nul ne doute que ce budget sera revu à la hausse d’autant que l’Allemagne va porter sa défense à 2% de sa richesse nationale (soit 70 milliards d’euros).

Nous étions déjà dans une phase ascendante dans le commerce des armes en Europe : + 19% entre 2017 et 2021 par rapport à la période quinquennale précédente. Les ventes d’armes vont bénéficier tout d’abord aux Etats-Unis, les Européens auront certes leur part du gâteau (plusieurs milliards quand même) mais à la portion congrue.

Cette course aux armements met les économies sous tension car elle implique moins de services publics par exemple.  En clair, la « défense » se trouve en concurrence directe avec les besoins sociaux des gens. Traîner l’économie par cette course nous amène droit dans le mur. A moins que les vieilles recettes du capitalisme ne resurgissent : il faut une bonne guerre pour repartir de plus belle après, avec encore des profits juteux pour la reconstruction…

Il n’y a rien de plus terrible que la guerre. Alors ne nous laissons pas entraîner dans le tourbillon des partisans d’une guerre qui au moment voulu mettront en branle tous les médias dont ils disposent pour nous expliquer que la guerre est inévitable. Ils se chargeront de trouver tous les prétextes imaginables pour justifier leurs croisades guerrières. Qui croit sincèrement que tous les efforts de guerre entrepris aujourd’hui et à l’avenir pourraient dissuader ou engager le combat avec un éventuel agresseur russe ? Les pays qui s’engageront dans la voie d’une course aux armements tourneront le dos à la vraie vie, celle qui se vit dès aujourd’hui. Il existera toujours un pays plus avancé pour trouver le dernier gadget militaire qui détrônera les anciens avant d’être obsolète peu de temps après. Les drones, les missiles hypersoniques, les bombes nucléaires, la rivalité spatiale, la cyber-guerre…Les libertaires sont bien placés pour contrer tous les discours guerriers des politiciens et des marchands d’armes ; car c’est de paix, de sérénité dont nous avons besoin, pas de situations anxiogènes qui servent les intérêts des autoritaires de tous poils.

Pour un féminisme décomplexé

Les anarchistes doivent impulser les luttes pour sortir des discriminations : à travail égal salaire égal, répartition des tâches ménagères à la maison, en finir avec les comportements machistes…La condamnation des viols et des féminicides ne suffit plus ; il faut agir en amont au niveau éducatif et ce partout: écoles, syndicats, associations, familles…De même l’égalité de genre peut être un levier pour se diriger vers davantage d’égalité  à tous les niveaux.

Pour un anticléricalisme assumé

Nous venons d’assister à la bénédiction de l’invasion russe en Ukraine par le patriarche Kyrill, autorité religieuse orthodoxe qui a délivré un blanc-seing aux militaires de Poutine pour commettre leurs exactions. La religion est très souvent du côté du manche en plus d’être irrationnelle et dogmatique.

De même les musulmans tchétchènes de Ramzan Kadyrov font leur prière avant de combattre les Ukrainiens, tout comme les armées royales françaises chantaient le Te Deum avant la bataille.

Au côté guerrier des religions, s’ajoutent leur rôle néfaste quant à l’émancipation des femmes, des personnes LGBT…leur dogmatisme et leur irrationalité.

L’anticléricalisme et l’antimilitarisme vont de pair. Pacifisme et athéisme aussi.

Les libertaires ont du pain sur la planche pour les décennies à venir.

 

Patoche (GLJD)