Antisémitisme et sionisme

Rafle

Nous livrons à nos lecteurs la définition du sionisme rédigée en 1933 par E. Armand. Vous pouvez de même lire « Antisémitisme et sionisme » rédigé en 1900 par les ESRI (Etudiants socialistes révolutionnaires internationalistes : rapport présenté au Congrès ouvrier révolutionnaire international à Paris. Il y est dit : « Il y a des banquiers juifs, c’est vrai ; mais est-ce que ces banquiers pratiquent l’usure et la faillite fructueuse autrement que les banquiers non juifs ? Il y a des chefs d’industrie, des capitalistes juifs, c’est encore vrai ; mais ont-ils des procédés spéciaux pour confisquer à leur profit la plus-value ? Nous sommes les adversaires des juifs bourgeois et capitalistes, parce qu’ils sont bourgeois et capitalistes, et non parce qu’ils sont juifs ; et de même, nous sommes les adversaires des chrétiens et des libres penseurs bourgeois et capitalistes, parce qu’ils sont bourgeois et capitalistes. Nous sommes les membres d’une classe exploitée qui se révolte contre une classe exploiteuse… ». C’est toujours d’actualité en 2019.

 

SIONISME n. m.

 

Le rêve millénaire des Israélites de reconstituer leur patrie ne cessa jamais d’être. Cependant, la Palestine ne comptait, au XIXème siècle encore, qu’un nombre restreint de Juifs, occupée qu’elle était par les Arabes. En 1825, il n’y résidait que dix mille descendants d’Abraham. Aujourd’hui, il se trouve en Palestine une foison de colonies représentant toutes sortes de tendances : de l’individualisme au communisme en passant par la coopération.

En 1882, fut fondée la première colonie agricole, nullement communiste, située près du port de Jaffa. Elle fut tirée de la détresse par le baron Edmond de Rotschild qui, intéressé par cette tentative, créa d’autres colonies pour permettre à ses coreligionnaires de s’installer dans leur pays d’origine. Son programme, qui n’avait rien de communiste, consistait à acheter un terrain, et à y faire venir des Juifs qui s’adaptaient au métier d’agriculteur ; puis, ceux-ci étant devenus expérimentés, il partageait entre eux la terre. Chacun devenait propriétaire et indépendant. Il s’était ainsi formé une trentaine de colonies, toutes prospères, mais guère intéressantes au point de vue social. On y employait la main-d’oeuvre salariée, de préférence aux Juifs, les Arabes.

Par suite de la grande guerre, il se produisit un changement considérable dans l’histoire des colonies sionistes. Les armées anglaises entraient à Jérusalem, sous la conduite du général Allenby, le 9 décembre 1917. Le 2 novembre de la même année, Lord Balfour, alors ministre britannique, dans une lettre au baron de Rotschild, avait déclaré officiellement que l’Angleterre « envisageait avec bienveillance l’établissement en Palestine du Foyer national juif et ferait tous ses efforts pour le faciliter ». Cette déclaration causa aux Juifs, toujours dans l’attente de la restauration de Sion, une vive exaltation, et donna une plus forte impulsion au mouvement sioniste. Des Juifs arrivèrent de tous pays et ce fut la naissance de colonies, selon le type des communautés agraires.

Il fut créé deux fonds nationaux, l’un pour la colonisation générale, le Keren Hayesod, l’autre de l’achat des terres, le Keren Kayemeth. Le Keren Kayemeth acheta des terres, mais contrairement à ce qui s’était passé dans les colonies du baron de Rotschild, ces domaines ne furent jamais aliénés. Les colons ne purent devenir que concessionnaires, et non pas propriétaires. Et cela pour diverses raisons : raison d’ordre religieux. Selon la Bible, « les terres ne se vendront pas à perpétuité, car la terre est à moi, dit l’Éternel », la terre doit rester commune « à tous les enfants de Dieu », elle ne peut être ni objet de vente ni objet d’achat. Elle devait donc rester entre les mains d’une même famille. Les récoltes seules pouvaient être vendues et seulement dans la période s’écoulant entre deux jubilés, c’est-à-dire tous les quarante-huit ans, époque à laquelle les terres devaient revenir à leur propriétaire. L’idée de la terre inaliénable est commune à toutes les civilisations primitives. Elle se retrouvait encore dans le système du mir russe. Mais si toutes les terres sont constituées en propriété nationale, c’est dans le but que toute la Palestine revienne un jour aux Israélites et que soit reconstitué le Royaume d’Israël.

Il y a encore une raison d’ordre économique. Le fond national juif bénéficiera de la plus-value de la terre qui est générale dans tous les pays où s’accroît la population (et non les propriétaires). Son revenu augmentera à chaque révision des baux et ce sera un budget suffisant pour l’État. Par ce système, le Keren Kayemeth conserve un droit de contrôle perpétuel sur la colonie pour les questions de salubrité et d’aménagement. Enfin cela évite au colon, pauvre à son arrivée, de débourser la somme nécessaire à l’achat d’une terre. Il n’a qu’un fermage peu élevé à payer. Le lieu d’élection des colonies juives est la vallée qui s’étend du lac de Tibériade au golfe de Haïffa (Jaffa), la plaine de Jézrael. Il s’en trouve également dans la plaine de Saron.

Le fonds national groupe les colons de façon qu’ils puissent exploiter un domaine assez vaste. Chaque famille cultive son lot sans employer de main-d’oeuvre salariée. Au moment de presse, les colons se prêtent mutuellement leur concours. La liberté d’organisation est absolue. Aussi trouve-t-on des colonies de type individualiste (celles fondées par Rotschild), des colonies de type communiste, et celles de type coopératif.

Comme colonie coopérative, citons Nahalai : elle est disposée de telle façon que les familles ont recours à des services collectifs, entre autres pour se procurer l’eau nécessaire. Il y a des associations pour la vente du tabac qui est un des grands produits de la Palestine, pour l’exécution de nombreux travaux : travaux de plantation, de drainage, d’irrigation, de construction de routes, etc.

Comme colonie où l’on pratique le communisme, la plus connue est Nuris. Tout s’y trouve en commun : travail des hommes et des femmes, habitation, table, enfants qui sont élevés par les soins de la colonie. La colonie pourvoit à tous les besoins. Sa production suffit presque à sa consommation et elle consomme tout ce qu’elle produit ; elle représente le type de la colonie à économie fermée qui se suffit à elle-même. Quand elle a besoin de l’extérieur, un de ses délégués se rend dans une succursale de la grande société coopérative de consommation de Palestine : « Hamashbir », y porte le produit de sa récolte, qu’on lui inscrit au crédit de la colonie, et on marque à son débit le montant des achats. A la fin de l’année, on envoie à la colonie un relevé de son compte-courant. Il existe une colonie où les vêtements même sont en commun. Les enfants y sont absolument en commun et n’appartiennent, en aucune façon, à leurs parents.

La colonisation juive présente des exemples d’énergie qui méritent d’attirer l’attention. On peut citer, entre autres, le défrichement de la vallée de Jezraë, lieu si malsain que toutes les tentatives de défrichement avaient échoué, et qu’il n’offrait, en 1920, qu’une perspective de tombes. De 1922 à 1923, de hardis pionniers accomplirent cette oeuvre considérable d’assèchement des marais au prix de travaux pénibles.

Autre exemple d’énergie et de réalisation : l’édification de Tel Aviv – sur une plage aride – aujourd’hui, ville florissante, détenant quelques industries, une plage qui possède un sérieux avenir.

Contrairement à l’antique usage israélite qui maintient la femme dans une condition dépendante, les Sionistes ont voulu associer la femme à leurs travaux, lui assigner un rôle égal à celui de l’homme, dans l’oeuvre de la reconstruction de la patrie. Pour rendre la femme, jusqu’alors maintenue dans l’ignorance, apte à ces fonctions nouvelles pour elle, il s’est créé une association universelle des femmes sionistes : Women’s International Zionist Organization, connue sous le nom de Wiso. Son but a été de former la femme juive à devenir une compagne, une mère, une valeur sociale.

On a créé à Nahalal, en 1926, une école d’agriculture pour jeunes filles, qui est en plein développement. D’autres écoles ont été fondées, parmi lesquelles des écoles d’art ménager.

 

Si le mouvement sioniste représente un élan enthousiaste pour la résurrection d’une nation détruite depuis des milliers d’années, au point de vue économique, il s’élève bien des obstacles à sa réussite. Les Juifs eux-mêmes, craignant qu’on ne les rejette des autres pays, s’il y a une terre proprement juive, opposent des résistances. Les Arabes ne sont pas disposés à céder leur place, d’où des heurts, qui peuvent dégénérer parfois en massacre entre Juifs et arabes (et même chrétiens indigènes). D’autre part, la superficie restreinte de la Palestine empêche l’expansion des colonies. Enfin, les colons ne se soutiennent que grâce aux subsides que leur fournissent les Juifs du monde entier. Ils manquent, par suite, d’indépendance.

 

On a trouvé récemment le moyen d’ouvrir de nouveaux débouchés aux colonies sionistes par l’exploitation des produits chimiques de la Mer Morte, et l’utilisation du Jourdain comme force motrice. Aussi, en examinant le pour et le contre, ne peut-on en rien se prononcer quant à l’avenir du Sionisme qui vient d’entrer dans une phase nouvelle par suite des persécutions moyenâgeuses dont les Israélites sont l’objet, actuellement, en Allemagne (1933).

 

– E. A.